Golfe de Gascogne
Par Agate le vendredi 6 juillet 2018, 23:47 - Saison 2018 - Lien permanent
Ils disaient "Ca peut cogner, attention !" alors on a soigneusement calculé la
météo, avec une fenêtre ouverte tout de suite après notre calibrage du pilote.
Et on est parti, pour rejoindre le port espagnol qui se trouvera sur notre
route, selon la bonne volonté d'Eole et en fonction de la disponibilité des
instruments de navigation utiles. A bord pour l'instant, le vieux traceur
Garmin propose encore les fonds de tout le Golfe, mais je voulais aussi avoir
un complément papier, pour me sentir en sécurité et parer aux éventuelles
défaillances de l'électronique. Alors j'ai tablé sur la plus sud des routières
du bord, "De la Gironde à cabo Penas", ce qui excluait d'aller vers la Corogne.
Au début de la traversée, je visais donc Santander, et puis au fur et à mesure
que le vent tournait on s'est rapproché de la frontière française. Que retenir
de quatre jours et trois nuits sans toucher terre, une première pour moi, en
solitaire ou autrement...? L'assurance qui se construit progressivement le
premier jour avec les manoeuvres de pont comme dans les livres (on est parti au
foc léger et on a terminé la journée avec deux tours de génois et un ris dans
la grand-voile), et les rencontres de fortune, régate des ports vendéens ou
troupeau de dauphins. On avait soigneusement calculé la fenêtre pour que la
nuit soit la plus courte possible et apprendre à gérer le sommeil. Pilote
enclenché ou non, la barre fait très bien le travail toute seule. On a
soigneusement évité Rochebonne, bien éclairé de très loin.
Le deuxième jour commence en traversant une barre orageuse et son feu
d'artifice pendant plusieurs heures, mais un superbe lever de soleil en
récompense, avec libération du foc en début de matinée, quand le ciel se
dégage. Les premières difficultés sont surmontées. Quand le réchaud refuse de
s'allumer par exemple, il semble que le fuel en appro ne soit pas compatible,
il faudra manger froid. L'hydrogénérateur, lourd et encombrant, n'a pas été une
mince affaire à installer, mais il fonctionne correctement, avec compensation
de la consommation énergétique du pilote. De nuit, avec l'allumage des feux de
route, cela reste pourtant insuffisant par vitesse moyenne (4 à 5 noeuds). On a
renvoyé toute la voilure pour compenser la disparition du vent, ça avance très
peu. Et on a passera la nuit à éviter les pêcheurs qui chalutent en patrouille
et en pélagique en remontant la vallée du cap Ferret. On a bien cru se faire
prendre dans leurs nasses.
Avec le deuxième lever de soleil les vrais problèmes commencent. Le moteur ne
démarre pas quand on veut pousser le bateau pour éviter un groupe de pêcheurs.
On tape sur le démarreur au marteau, et, miracle, ça redémarre, merci Emilie et
son relevé pense-bête ! Mais en milieu de journée, le problème se présente
à nouveau, et là, pas de réponse à nos tapotis inquiets. Il va falloir
continuer sans moteur ! C'est le moment que choisit l'hydrogénérateur pour
cesser de fonctionner, mais on réussit à le réenclencher, la production
énergétique reprend. On longe la côte espagnole à une trentaine de mille par
vent de travers.
Au matin du quatrième jour, le vent
forcit avec l'arrivée d'une dépression. C'est alors qu'une alarme stridente se
produit dans le bloc moteur, à chaque fois que la gîte et le roulis se font
plus sensibles. Pourtant le moteur ne tourne plus depuis longtemps. On s'occupe
de rentrer l'hydrogénérateur qui traîne derrière après une défaillance de son
système de sécurité, et la sirène s'arrête ! Il faudra donc continuer
uniquement au vent, et au minimum de consommation électrique, c'est-à-dire sans
pilote. C'est là qu'on choisit la route la plus directe, la plus facile pour
l'approche de la côte espagnole. On appelle à la VHF pour se faire aider à
l'atterrissage à San Sebastian, puisqu'on n'a pas de moteur. Pas de réponse. On
réduit la voilure au minimum, foc enroulé presqu'entièrement et artimon
uniquement, ça continue à avancer très vite pour rentrer dans la baie au
portant, sans moteur. On mouille en plein milieu de la baie sur les indications
d'un bateau du club nautique. Après un rapide rangement du bateau, dodo, la
capitaine est fatiquée. Une demi-heure plus tard, le bateau chasse sur le fond
en sable et se dirige vers la plage, c'est la vedette du club nautique qui nous
en avertit et nous remorque dans le vieux port ! Bienvenue en Espagne :)
C'est un post de Timour à l'occasion d'un de ses récents voyages qui m'a fait
pencher pour cette destination, merci mon fils !
Commentaires
Quel courage! J'en tremble seulement en te lisant: c'est pire qu'une panne de freins à 130 sur l'autoroute... Bravo, tu t'en es tirée magistralement!
Agate : Merci Liz ! C'est quand même plus facile, quand on sait faire ;)