Renverse
Par GA696-GANDI le dimanche 15 juillet 2018, 16:54 - Saison 2018 - Lien permanent
Murmure de vaguelettes en voile sombre sur la mer calme ? Météo
ébouriffante et imprévisible ? Le reste de lunaison, le soleil
impertubable et ponctué de redoutables brises thermiques, nous ont accompagnés
dans ce retour d'Espagne jusqu'à notre port naturel, l'Herbaudière. Péripéties
d'un moteur imprédictible, mais on a par deux fois utilisé avec succès le shunt
du relais fabriqué à notre intention par le petit mécano basque. Changements de
voilure et de cap au gré des vents, réduits souvent à pétole entre deux grands
frais originaires de l'endroit où, justement, on voulait aller. Trois fois j'ai
pensé faire escale, mais Bayonne, Royan, Yeu ont été successivement effacés de
notre route quand le vent tournait trois heures avant d'y arriver, et nous
réouvrait celle de notre but. Quatre nuits en mer, donc. Une arrivée un soir de
grande marée, alors que la lune avait disparu du ciel. Nous avons pourtant
traversé plusieurs fois la vague d'étrave qui témoigne de sa présence
horlogère, et de sa puissance à organiser nos minuscules existences, à
renverser deux fois par jour la masse de l'océan circulant sous nos coques
au-dessus du plateau continental.
Probablement que mon parcours de capitaine solo n'est pas validé, pourtant,
parce qu'un matin, poussé par la brise de terre qui forciçait, j'ai vu un
clandestin couvert de bagues tenter un atterrissage sur les barres de flèches,
puis sur le radar, avant d'échouer dans le cockpit. Il s'est goulument abreuvé
de l'eau rouge de mes réservoirs - et que je retrouve au robinet de mon
domicile, d'ailleurs. Un quart d'heure plus tard il était suivi d'une
escadrille complète, mais tous se sont relancés dans la brise lors d'une
nouvelle palanquée de manoeuvres.
Et chaque fois que je montais harnachée sur le pont, je clamais vers les vagues
de l'infini : "Je t'ai dit que je m'accrochais, alors je le fais !"