Longue vue pour un dégolfage

Fenêtre météo pour dimanche
Situation prévue une semaine plus tard
Sur Nimic II, on a l'oeil coincé sur la fenêtre météo qui semble prête à s'ouvrir dans la journée de dimanche. On sort des gribs tous les matins, et on compare les variations de prévision que proposent les modèles déboussolés par le changement climatique. Pour nous, l'enjeu est d'atteindre le large de la Corogne, puis le sud de la péninsule ibérique, sans rencontrer de forts vents défavorables, et si possible avec une mer accueillante. En langage sud-breton, ça s'appelle 'dégolfer en douceur'. C'est que, s'il assure une relative clémence des températures, le suroît qui domine actuellement installe une forte houle de face possiblement croisée par les fluctuations, et obligerait à tirer des bords jusqu'à la Corogne si on se lançait maintenant.
Mais la dépression qui avance vers le nord de l'Irlande s'accompagnera chez nous d'une phase de noroît, virant au nordet par le nord, des conditions nettement plus favorables pour quitter l'Herbaudière. L'idée est de franchir la pointe nord de l'Espagne trois jours plus tard, juste au moment du passage du front de la nouvelle dépression : après un tour complet du cadran, les vents repasseront au noroît et nous propulseront alors vers le sud. Etre au bon endroit au bon moment, un rendez-vous à ne pas manquer à trois heures près.
Passage de front à la Corogne prévu dans la nuit de mercredi 12 à jeudi 13 décembre Toute cette belle construction est largement théorique. Elle pourrait être remise en cause par l'incertitude sur la vitesse du bateau, l'imprécision des cartographies proposées et surtout par la versatilité de plus en plus grande des prévisions dans le temps. Quant ne s'y ajoutent pas les interprétations différentes selon l'école de météolorogie qui les a mises en forme... Autant dire que si nous partions effectivement dimanche, comme nous le souhaitons aujourd'hui, rien ne dit que nous rencontrerions les conditions espérées, et donc que nous arriverions à bon port (les Canaries ?) dans la quinzaine qui suivrait. Il y a toujours des solutions de repli en Espagne et au Portugal, et on a déjà vu des départs se solder par des retours au port sous quarante-huit heures. La voile n'est pas une science exacte. Ce qui n'en fait pas pour autant une activité de charlatans, ni même une illusion collective.
Du neuf pour du vieux
Arpentage pour nouvelle implantation
On aurait bien aimé, avant de dégolfer, se convaincre que nos politiques et nos concitoyens sont arrivés à la même perspicacité. On peut en douter. Pour exemple, les travaux herculéens entrepris dans le port de l'Herbaudière par l'équipe des gilets oranges locaux. Il s'agit de remplacer les vieux pieux d'ancrage des pontons par des pieux tous neufs, une opération qui bloque le port pour trois mois au moins. Quoiqu'on en ait cru, le bureau d'études qui y préside n'a pas jugé utile de rallonger d'un ou deux mètres les pieux pourtant arrivés au bout de leur capacité à l'occasion de la tempête Xynthia. Est-ce courte vue scientifique (l'économie, la météorologie), pensée magique (anne, ma soeur anne, ne vois-tu rien venir ?), ou manifestation bien comprise des intérêts d'un petit nombre de décideurs qui surfent sur le conjoncturel parce qu'ils pensent qu'ils se tireront toujours du structurel (pince-mi et pince-moi sont dans un bateau...)?
Bonne traversée à tous, gardez l'oeil !